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mercredi 10 février 2016

Pensée pour les pompiers martyrs et les employés avec leurs masques chirurgicaux !

Ducos : pollution à l’amiante et risques sanitaires


Publié le mercredi 10 février 2016 à 03H00

Après le sinistre géré dans l’urgence, surgissent les risques sur la santé. De l’amiante s’est d’ores et déjà échappé dans l’air. La putréfaction risque d’attirer les rats, et l’eau les moustiques. Un plan d’action est mis en œuvre.

Hier, à Ducos. Les opérations étaient déjà lancées afin d’empêcher que des fibres d’amiante puissent se propager. Conditions sine qua non pour entamer l’opération de déblaiement.

Hier, à Ducos. Les opérations étaient déjà lancées afin d’empêcher que des fibres d’amiante puissent se propager. Conditions sine qua non pour entamer l’opération de déblaiement.
Thierry Perron

Aux alentours de ce qui reste des enseignes Serdis, Champion et La Foir’Fouille, l’odeur est pestilentielle. Certains ont la gorge irritée en passant à proximité. Depuis jeudi, date à laquelle les pompiers sont parvenus à maîtriser les flammes, les décombres encore fumants n’ont pas été déplacés. Il ne faut pas bien longtemps pour comprendre que des tonnes d’aliments congelés sont en train de pourrir sous les amas de tôles brûlantes. Car même si l’incendie est éteint et que l’opération de sauvetage est achevée, d’autres urgences sont à régler. Et elles sont nombreuses.

L'amiante, problème depuis une semaine
« Il est trop tard pour faire des analyses, mais c’est évident qu’énormément d’amiante s’est évaporé durant l’incendie, confie le responsable de l’entreprise AMPE Désamiantage, justement sur place en train d’entamer les premières opérations. Comme il y en a énormément en Nouvelle-Calédonie, ces bâtiments des années soixante-dix ont des bardages (ces structures qui assurent la stabilité des bâtiments, NDLR) qui sont en fibrociment. Donc remplis d’amiante. Personne n’avait véritablement pris conscience du problème, mais avec un incendie de cette ampleur, c’est exceptionnel. »
Hier, la pluie permettait d’éviter que d’autres molécules ne s’envolent. Une autre entreprise, elle, se chargeait d’asperger les décombres pour continuer à fixer cette substance. Pour Bertrand Mellin, pneumologue, difficile à présent de savoir si la population et surtout les pompiers sont susceptibles d’être touchés. « Ce n’est pas sûr qu’il y ait eu un aérosol suffisant pour contaminer des gens, précise le spécialiste. Il aurait fallu que soit mesuré le seuil de fibres d’amiante par mètre cube au moment de cet incendie, mais cela n’est jamais fait et c’est bien dommage. »
Car c’est ce fameux seuil qui permet d’établir la nocivité. À ce moment-là, l’amiante entre dans les branches respiratoires et y reste. Cela peut provoquer des maladies comme le cancer de la plèvre ou des poumons dans le pire des cas.
Reste à présent à savoir ce qu’il faudra faire des restes d’amiante. « C’est un véritable problème, assure le responsable de l’entreprise de désamiantage. Il va vite falloir trouver une solution. Il n’y a pas de site en Nouvelle-Calédonie qui puisse accueillir les déchets d’amiante. L’envoyer en Nouvelle-Zélande va coûter une fortune. »

Moustiques et rats
Les problèmes ne s’arrêtent néanmoins pas aux seules fibres d’amiante. La putréfaction des denrées alimentaires est une préoccupation majeure. « Pour ce qui est des maladies, il n’y a pas de risque direct, confirme Julien Colot, biologiste à l’Institut Pasteur. Si le site est surveillé 24 heures sur 24, il n’y a absolument rien à craindre. Tant que personne n’ingère de nourriture, tout devrait bien se passer. » L’odeur, à elle seule, devrait dissuader les curieux. Sauf les rats qui risquent de proliférer très rapidement et qui représentent un véritable danger, notamment de leptospirose *, pour les employés travaillant à proximité. À cette putréfaction, vient s’ajouter l’eau. Celle qui est stockée avec la rupture des canalisations ajoutée à celle projetée par les pompiers font des lieux un paradis pour les gîtes larvaires. La profusion de moustiques est à craindre aux alentours (lire ci-dessous). Le magasin Mr.Bricolage, sauvé in extremis des flammes mais jouxtant les docks, est d’ailleurs fermé jusqu’à nouvel ordre. Les risques sanitaires sont présents. Mais évitables. Un plan d’action pour y remédier est lancé.

* Maladie transmissible par l’urine des rats, entraînant des fatigues, fièvre, douleurs musculaires et articulaires et pouvant dans de rares cas entraîner des hémorragies.

Hier, à Ducos. (Photo Thierry Perron)

Trois opérations sont déjà en cours
La réunion a duré toute la matinée. Autour de la table, pendant plusieurs heures, les pompiers de Nouméa, les exploitants du site, mais également bon nombre de directions du gouvernement, comme la Direction des affaires sanitaires et sociales (Dass), la Direction de l’industrie des mines et de l’énergie (Dimenc), celle du travail et de l’emploi (DTE) et la sécurité civile (DSCGR), qui prend la direction des opérations.
Concernant l’amiante, « un périmètre de sécurité a été installé et les gravats seront rapidement aspergés avec une solution contenant une résine polymère destinée à fixer les fibres d’amiante au sol de façon à empêcher leur dispersion dans l’air ambiant, précise la DSCGR. Des analyses sont en cours afin de déterminer le niveau de fibres d’amiante présentes dans l’air sur le site. Les résultats de ces analyses réalisées par un cabinet spécialisé seront connus dans les prochains jours. » L’enjeu est avant tout de préserver la santé du personnel qui entamera le déblayage.
Concernant la prolifération des rats, dont la population pourrait dépasser les 30 000 en un mois si rien n’est fait, « un protocole d’intervention d’une entreprise de dératisation est d’ores et déjà soumis à l’approbation de la Dass et de la DTE afin de débuter dans les meilleurs délais une opération de dératisation, dans l’attente de l’enlèvement définitif de ces denrées. »
Pour lutter contre les moustiques, le périmètre public avoisinant le site a déjà fait l’objet d’un traitement préventif par épandage par les services de la ville de Nouméa (Sipres).
S’agissant du site en lui-même, l’entreprise chargée de la dératisation réalisera également des épandages d’insecticide afin de lutter contre la prolifération de moustiques. Ces opérations seront renouvelées tant qu’il le faudra.
Repères
Que faire de l'amiante
Pour l’heure, grâce à la projection de l’eau associée à une solution de résine polymère, il n’y a plus de risque de propagation dans l’air. Il devrait y avoir ensuite la mise en place d’une plateforme de tri. L’objectif sera alors de savoir si certaines parties sont recyclables sans danger. Pour les autres, un problème se posera. Qu’en faire ? L’enfouissement est indiqué. « Mais le problème c’est qu’on ne parle pas de quelques kilos, indique un spécialiste. Il s’agit ici de 10 000 m3. » Mais rien ne pourra être décidé avant que des analyses ne soient réalisées.

Plusieurs milliers de poissons morts
Les analyses et les investigations permettront de savoir ce qu’il s’est passé. Mais plusieurs milliers de poissons morts ont été retrouvés hier, à l’anse Uaré. L’une des hypothèses était encore hier soir le fait que, durant l’incendie, près de 5 000 m3 d’eau ont été déversés par les pompiers. Avec les précipitations, des matières organiques auraient pu couler et provoquer l’asphyxie des poissons.

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