Areva : après le scandale UraMin, l'affaire de la mine géante de nickel de Weda Bay
Ce devait être l'une des plus belles affaires minières du monde : un gisement géant de nickel, situé en Indonésie sur l'île d'Halmahera, au nord de l'archipel des Moluques. Détenteur des permis d'exploitation, la "junior company" canadienne Weda Bay Minerals Inc, qui ne possédait pas d'autre actif, cherchait en 2006 des partenaires pour pouvoir financer les coûteux travaux (plusieurs milliards de dollars) nécessaires à la mise en exploitation du site. Méfiants, les investisseurs internationaux se sont pas bousculés. Sauf un : Eramet , très gros producteur de nickel en Nouvelle Calédonie. 
Séduit
 par le projet, ce groupe français, dont Areva est alors l'actionnaire 
de référence avec 26 % du capital, décide de racheter, en mars 2006,  la
 totalité du capital de Weda Bay Minerals, cotée à la Bourse de Toronto.
 Prix de la transaction entièrement payée en cash : 270 millions de 
dollars canadiens (soit 189 millions d'euros). Seul maître à bord, 
Eramet se retrouve ainsi propriétaire de la start up minière Weta Bay 
Minerals, qui contrôle la société Strand Minerals enregistrée à 
Singapour, elle même propriétaire de 90 % des parts de la société 
indonésienne Weta Bay Nickel. 
Trois ans plus tard, en février 2009, le japonais Mitsubishi Corporation
 acquiert auprès d'Eramet 33,4 % des parts de Strand Minerals. Les deux 
associés projettent de produire 65.000 tonnes nickel par an dans leur 
îles des Moluques, soit l'équivalent de 5 % de la production mondiale 
occidentale. Mais au fil des ans, il faut se rendre à l'évidence : guère
 plus de deux millions d'euros ont été investis à ce jour pour aménager 
des pistes et des baraquements, là où des milliards seraient 
nécessaires, notamment pour construire une usine de traitement 
hydrométallurigique. Pourquoi donc le projet si séduisant sur le papier 
est-il ainsi mis sous cocon ?
Marc Eichinger, le consultant en matières premières qui avait déjà 
réalisé en 2011, à la demande du service de sécurité et d'intelligence 
économique d'Areva, un rapport alarmant sur UraMin, déclenchant la 
fameuse affaire , a sans doute la réponse. En effet, ce spécialiste 
indépendant s'est récemment penché sur la myriade de sociétés qui 
contrôlaient l'essentiel du capital de Wada Bay Minerals, au moment où 
Eramet a lancé son OPA. Et il a ainsi découvert que le principal 
bénéficiaire du rachat n'était autre que le canadien Stephen Dattels, 
fondateur d'UraMin. C'est en effet deux de ses holdings qui contrôlaient
 Wada Bay : Polo Resources, enregistrée dans le paradis fiscal des îles 
vierges britanniques, et Regent Pacific Group, domiciliée aux îles 
Caïman. A noter que Daniels Wouters, le financier belge qu'Anne 
Lauvergon avait embauché chez Areva, sur les conseils de son époux 
Olivier Fric, pour piloter l'OPA sur UraMin, s'était associé avec le 
sulfureux Stephen Dattels, après avoir dû quitter le groupe nucléaire 
(lire l'article Le double jeu de Daniel Wouters ).
Plutôt que reconnaître s'être fait escroquer, Eramet (dont l'Etat 
français a repris il y a deux ans, via le Fonds Stratégique 
d'Investissement (FSI),  les 26 % détenus par Areva pour 776  millions 
d'euros) préfère sans doute faire le gros dos. Dans un communiqué, il a 
reconnu  il y a quelques mois qu'aucun investissement pour développer 
son site indonésien n'était prévu avant 2017. 
Olivier Drouin 
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