La course aux inscriptions sur la liste du référendum
Publié le lundi 21 mars 2016 à 03H00
Il reste moins d’un mois aux 15 000
personnes qui ne sont pas inscrites automatiquement sur la liste
référendaire. Elles doivent donc rapidement déposer leurs demandes et
leurs justificatifs dans les mairies.
C’est en mairie que l’on peut se renseigner pour
savoir si l’on est inscrit d’office ou non. Il existe un site de
simulation sur la page Internet du haussariat, mais il n’a qu’une valeur
indicative.
- Calendrier
A partir du 18
avril, les commissions administratives de révision des listes
électorales vont se pencher sur la liste spéciale pour la consultation
d’accès à la pleine souveraineté.
Un gros travail de recensement
et de catégorisation a été fait en amont par l’Etat, de sorte que 90 %
des personnes remplissant les conditions pour voter seront inscrites
automatiquement. Mais pour les autres, soit environ 15 000 personnes, il
faudra faire acte d’inscription volontaire, en fournissant une série de
justificatifs à la mairie de leur domicile. Cette démarche doit être
effectuée au plus tard le 15 avril. Mais un bon conseil, compte tenu des
pièces à fournir : il vaut mieux s’y prendre à l’avance. La période
d’établissement de la liste, avec ses phases de recours gracieux puis
contentieux, s’étalera jusqu’au 31 juillet 2016. La liste sera rendue
publique début août.
Il y aura trois autres cycles de révision de
cette liste. Un premier en avril 2017, un deuxième en avril 2018, et un
dernier juste avant le référendum, prévu en novembre 2018, pour
permettre l’inscription de ceux qui seront devenus majeurs.
- Inscriptions automatiques
S’il
n’y a pas de couac administratif, tous les Kanak inscrits sur la liste
électorale générale sont inscrits automatiquement sans faire de
démarche. De même que toutes les personnes nées en Calédonie et
inscrites sur la liste électorale spéciale des provinciales et du
Congrès. C’est l’accord qui a été passé entre indépendantistes et
non-indépendantistes lors du Comité des signataires de juin 2015.En
gros, tous les Kanak et les Calédoniens de souche sont inscrits
automatiquement.
- Inscriptions volontaires
C’est
là que ça se complique. Les signataires de l’accord de Nouméa ont
convenu que les personnes qui ne sont ni Caldoches, ni Kanak, mais qui
ont un lien suffisamment fort avec le pays peuvent également voter au
référendum.
Le critère incontournable pour les personnes qui ne
sont pas nées en Nouvelle-Calédonie est qu’elles s’y soient installées
au plus tard le 31 décembre 1994 et y aient résidé de façon continue.
Une autre disposition prévoit que les personnes nées hors de Calédonie,
mais dont au moins l’un des parents est natif de Calédonie, peuvent
s’inscrire, à condition de faire la preuve qu’elles y ont le centre de
leurs intérêts matériels et moraux.
Dans les deux cas cités plus
haut, il n’est pas forcément évident de fournir les preuves d’une
résidence continue. Pour ceux qui étaient enfants en 1994, il faut
retrouver des traces de scolarisation pour chaque période ou des carnets
de vaccination. Pour ceux qui étaient plus âgés, il faut retrouver
bulletins de salaires et feuilles d’impôts. Il faut aussi prouver que
les périodes d’absence prolongée étaient dues à des raisons médicales,
professionnelles, ou scolaires.
- Centres d’intérêts matériels et moraux
La
notion de centres d’intérêts matériels et moraux (CIMM) revient
plusieurs fois dans l’article 218 de la loi organique, qui énonce les
conditions d’inscription sur la liste référendaire pour ceux qui n’ont
pas vocation à être inscrits automatiquement.
Mais voilà, il
s’agit d’une notion très floue. « C’est un concept jurisprudentiel
utilisé par les tribunaux administratifs à l’égard de fonctionnaires qui
souhaitent obtenir ou prolonger une affectation », rappelle Philippe
Dunoyer, qui suit de près les questions électorales pour Calédonie
ensemble. « Il n’a jamais été utilisé pour d’autres catégories de
population, et notamment pas les jeunes majeurs. » C’est la raison pour
laquelle va être installée une commission consultative d’experts, qui
rendra des avis à chaque fois qu’une des commissions de révision la
questionnera à propos d’une demande d’inscription fondée sur les « CIMM
». Cette commission sera vraisemblablement présidée par Régis Fraisse,
membre du Conseil d’Etat et ancien président du tribunal administratif
de Nouméa.
Les pronostics décoiffants de l’universitaire
Le troisième corps électoral devrait être composé d’environ 155 000 personnes. Les Kanak ont l’avantage du nombre, et le désavantage de l’abstentionnisme.
Professeur agrégé de droit public à l’université, Mathias Chauchat a donné une conférence jeudi dernier pour expliquer les grands principes qui régissent les règles d’inscription au corps électoral du référendum.
On aura une idée très précise début août du nombre de personnes autorisées à voter lors de la première consultation qui aura lieu en novembre 2018, sauf si un accord devait intervenir entre-temps.
Pour Mathias Chauchat, qui ne fait pas mystère de ses sympathies décolonisatrices, la clé du scrutin sera autant ethnique que politique.
Dans leur immense majorité, les Kanak votent indépendantiste, et dans leur immense majorité, les Calédoniens d’origine européenne ou asiatique votent non indépendantiste.
Sur la base des récentes élections et des éléments d’état civil accessibles, Mathias Chauchat s’est livré à une simulation qui lui fait prédire que, grosso modo, le corps électoral référendaire pourrait être composé de 84 000 électeurs kanak, et de 71 000 électeurs non kanak. Cela signifie-t-il que le oui à la pleine souveraineté l’emporterait ? La réponse est plus nuancée. Les Kanak sont traditionnellement beaucoup plus abstentionnistes que les Calédoniens d’origine européenne. Et les Kanak installés dans l’agglomération sont encore plus abstentionnistes que ceux restés dans les villages et les tribus.
Mais selon Mathias Chauchat, pour un scrutin d’une telle portée, il peut y avoir un sursaut de mobilisation. Et si ce sursaut se fait dans le sens d’un oui à l’indépendance, la pleine souveraineté est à portée de main. Dans le camp loyaliste, on fait le pari inverse. On considère que bien des Mélanésiens qui votent pour des partis indépendantistes, notamment pour des raisons identitaires, y regarderont à deux fois avant de franchir le pas de la pleine souveraineté.
Repères
Consultation
C’est
une, deux, ou trois consultations sur l’accession à la pleine
souveraineté qui sont prévues par l’accord de Nouméa et la loi
organique. Tout le monde parle pourtant de référendum, y compris le
haut-commissariat, par souci de compréhension. Mais pour Mathias
Chauchat, professeur de droit public, il y a une véritable différence
juridique. Un référendum vaut loi, et en cas de oui à l’indépendance,
celle-ci serait acquise automatiquement.
En revanche, une
consultation est un avis donné par les Calédoniens qui, naturellement,
oblige politiquement le gouvernement français à en tirer les
conséquences institutionnelles.
Permanence MPC
Le
Mouvement populaire calédonien, parti de Gaël Yanno, a créé sa propre
permanence pour aider ceux qui doivent faire des démarches d’inscription
sur la liste de la consultation. Elle est située au rez-de-chaussée de
la tour Île de France, face à l’hippodrome, à l’Anse-Vata. Elle est
ouverte du lundi au vendredi de 10 heures à 18 heures.